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L’indépendance du Québec, mais pourquoi faire?

Par Brice Dansereau-Olivier - Lors du référendum de 1995, j’avais huit ans. Si j’ai très peu de souvenirs de cette période, à l’exception des pancartes « Québec un nouveau pays pour le monde » qu’on peut encore apercevoir parfois sur les balcons des nostalgiques, je me rappelle surtout que la tension était partout palpable. À mon école privée d’inspiration système français, nous, les canadiens-français, étions minoritaires. Les enfants d’immigrants battaient les enfants de parents souverainistes dans la cour d’école. Pour des enjeux que nous étions trop jeunes pour comprendre, nous nous livrions une guerre sans merci.


Mon principal souci était de savoir ce que j’allais faire avec mes sous canadiens après l’indépendance. Mon père a eu beau tenter de m’expliquer que cela ne changerait rien, je ne le croyais pas. On s’en allait et ils n’allaient pas essayer de se venger? Ma courte expérience de la nature humaine ne me laissait entrevoir que haine et représailles après une séparation qui me semblait acquise d’avance. Je ne sais plus si mes parents ont pleuré cette soirée-là, mais le Québec lui, n’a plus jamais été le même.


Le sujet est devenu tabou. On ne l’aborde plus maintenant qu’avec les gens dont on connait déjà l’allégeance. Pratiquement jamais avec des anglos. Ni des immigrants. J’ai longtemps été fédéraliste, pas vraiment par conviction, plutôt par esprit de contradiction. J’entretenais à l’époque le rêve d’être premier ministre et mon esprit d’adolescent était convaincu que, comme un cadeau de Noël, plus c’est gros, mieux c’est. Le Canada donc, plutôt que le Québec. Plus vieux, j’ai découvert l’anarchisme, suis tombé en amour. Un amour de jeunesse, un amour fou, le genre d’amour qui éclipse tous les précédents. So long Canada! Je te laisse à Justin.


N’en déplaise à mes nombreux amis souverainistes, bien que je ne sois plus fédéraliste, je ne suis certainement pas devenu un « Caribou ». Je ne suis pas contre l’indépendance, bien au contraire, la prise en main d’un peuple et la décentralisation des pouvoirs m’apparaissent non seulement comme souhaitable, mais nécessaire. Mais je me demande encore, plus souvent qu’à mon tour : la souveraineté, pourquoi faire exactement?


Paranoïa fédéraliste


Les raisons de mon scepticisme ne sont pas celles du fédéraliste condescendant qui ne croit pas que le Québec puisse se prendre réellement en main. Le Québec a produit près du quart des premiers ministres du Canada (5 sur 22). Si leurs talents ont pu servir à Ottawa, ils auraient très bien pu servir à Québec. Les grandes entreprises québécoises rayonnent partout à l’étranger et sont des chefs de file dans leurs domaines respectifs (Cirque du Soleil, Bombardier, etc.) Côté culturel, les artistes d’ici se font connaître à l’international tant en anglais que dans la francophonie. Trois nominations d’affilée aux Oscars pour un film québécois, pas mal pour un peuple de 8 000 000 d’habitants, non?


Elles ne sont pas non plus celles de l’anglophone ou de l’immigrant, prisonniers du dédale de semi-vérités et de mensonges paranoïaques propagés par le Parti Libéral pour être bien certain de garder ces électorats captifs ad vitam aeternam. Comme si le Québec allait devenir, du jour au lendemain, un berceau d’intolérance et de haine où communautés culturelles seraient ghettoïsées et persécutées, bref, une dictature de francophones nazillons.


Comme si toute la tolérance du Québec provenait de son attachement au Canada. Comme si l’esprit d’accueil et d’ouverture réservés à la plupart des nouveaux arrivants n’était pas un élan spontané de notre peuple, pourtant réputé progressiste, mais bien imposé par la botte du fédéral qui, d’autre part écrase notre culture. Le nationalisme québécois n’est pas qu’identitaire, il repose sur la conception de valeurs partagées. Le nationalisme québécois, c’est aussi et je l’espère, c’est SURTOUT un nationalisme social.


La charrette avant les bœufs


Certains avancent qu’on devrait donc recentrer la question indépendantiste sur l’identité commune. Celle où tous les Québécois se reconnaîtraient, celle à laquelle les nouveaux arrivants voudraient s’assimiler. Belle utopie. On ne peut même pas aborder la question de pays sans se sauter à la gorge alors, imaginez le définir!


Il y a aussi cette conception chez plusieurs souverainistes que la séparation du Québec, ce serait une sorte de cure miracle pour tous les maux qui affligent notre démocratie. Une panacée qui viendrait effacer toutes les contradictions d’un système pourri et oppressif qui étouffe notre identité commune. Come on! Ottawa nous a accordé du bout des lèvres le droit d’être une « nation » et on s’est enorgueilli de cette reconnaissance comme s’il s’agissait d’une grande chose. Vous en connaissez beaucoup vous des peuples qui ont eu besoin de demander la permission à leur colonisateur pour exister?


Ces contradictions m’ont sauté aux yeux pendant la « crise étudiante ». Alors que les revendications se multipliaient et que personne ne savait plus pourquoi exactement nous manifestions. Les cris de « Charest dégage » et de « Vive le Québec libre » se côtoyaient sans que quiconque semble prendre conscience de l’absurdité de la situation. Qui aurait été premier ministre d’un Québec indépendant? C’est là que ça m’a frappé.


Ni patrie, ni État, ni Québec, ni Canada


Un Québec indépendant serait gouverné par les mêmes pourris qu’aujourd’hui. Ces larbins avides de cash, à la solde des multinationales, ne se désintéresseraient pas de la politique tout d’un coup. La question de la souveraineté c’est plutôt celle de savoir à qui profiteront nos nombreuses ressources naturelles. Est-ce que ce sera Ottawa ou Québec qui vendra notre patrimoine pièce par pièce au plus offrant?


Le problème ce n’est pas de savoir quel État nous gouvernera, c’est encore et toujours le pouvoir. Pour moi, les politiciens fédéralistes sont ceux qui croient qu’en s’acoquinant avec les puissants des autres provinces, ils en auront plus. Les souverainistes, ceux qui veulent rapatrier toutes les compétences du fédéral et se les partager entre une petite élite bien de chez nous.


Pour le peuple, se faire entuber par un conard à Ottawa ou à Québec c’est du pareil au même. Quoique j’imagine qu’on se console parfois en se disant qu’au moins, ça resterait dans la famille.

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