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Lettre aux pourritures, rassurez-vous...

Par Emmanuel Cree - Alors, Pépé-friqué, Mémé-blindée, depuis vos tours d'ivoires, parlements et sièges sociaux, z'avez la conscience qui vous fait du mouron? Les chiffres qui vacillent tandis qu'l'Europe bouillonne, le Sud qu'en a marre, ça vous les ronge, vos viscères, hein? Les solutions s'épuisent. Vos valets, vos bonniches, vos assistantes, vos concierges, vos p'tits nègres de service, vos laquais coton-tige, vos p’tits culs du sweatshop, vos salariés, on vous jette des yeux noirs, des regards froids, de la haine de biais, qu'on dirait. Ça schlingue le couteau dans le dos. Vos sales gueules cogitent-paniquent tout azimut.


Du coup, vous sentez qu'le buffet a duré trop longtemps. Z'êtes peut-être trop empiffrés, hein, finalement? Ça gargouille nauséabond dans vos entrailles, dans ces bides cossus qu'les vôtres. L'écho lointain d'la faim, ce machin que vous appeliez jérémiades, insignifiances, paresses, velléités de la plèbe, ça vous les gratte depuis l'intérieur.


Curieux malaise, hein, pour vos vieilles panses, que d'avoir les chocottes! L'envie d'vous chier dessus, la trouille qui vous fait claquer les râteliers de nacre. La frousse qui vous glace les membres gras et douillets, qui paralyse la logique comptable, qui expulse l'rationalisme financier, ça pue l'ammoniac. L'inquiétude, surtout celle d'être attrapé, d'être mis à l'index, ça vous nourrit une culpabilité tardive, hein, pourritures?


Ça vous épouvante, vous dresse le pubis sur l’œuf. Pourtant, la révolution (avec un grand R), ça miroite sur du vide. On l'sait, on a déjà ouvert des bouquins d'histoire...Des décennies, des siècles, à planifier, à manigancer, à orchestrer un espoir qui miroite sur du vide. Un épouvantail qui surgit le temps d'un épisode de pisse-vinaigre collectif.


C'est peut-être l'âge aussi. Vanité, arrogance, suffisance, tout s'égraine avec le temps. Le temps, ça bouffe toutes les certitudes. Votre mépris et votre indifférence laissent la place aux incontournables maux d'l'existence. Coincement par-ci, grincement par-là, contusions, os fragiles, coccyx douloureux, hanches frêles, réveils incertains : vous méprenez la vie, chronique d'une mort annoncée, pour le Grand Soir.


Au mieux, ici bas, on vous imagine, gémissant d'inquiétude dans vos draps soyeux, pis on salive. On vous fantasme pataugeant dans vos urines, baignant dans vos selles, à couiner, siffler, seuls, vulnérables. On vous rêve, craignant la rue meurtrière, les cris rauques, les rugissements de la foule qui approche. On jouirait d'vous savoir nerveux, larmoyant, tapis derrière vos murs épais, vos fenêtres grillagés, vos portes cadenassées à quintuple tours, vos bœufs de kevlar, convaincus d'être à notre merci.


Mais séchez vos pleurs, pourritures, rassurez-vous : z'expierez pas pour vos saloperies, mêmes les plus viles, entre nos mains. Y en a jamais été ainsi, pourquoi maintenant, ou tantôt? On l'sait, on a déjà ouvert des bouquins d'histoire. Malgré tout, la crainte et le doute subsistent? Maîtres du monde...pff...aussi cons qu'ici bas, oui. Dictateurs, voleurs à l'échelle planétaire, colonisateurs sans scrupule, négriers modernes, salauds d'banquiers, j'en passe, et des meilleurs, vous serez récompensez, verrez bien.


On vous célébrera. On vous élèvera des monuments. On vous consacrera des hymnes, des films, des toiles, des statues, des biographies, des non-autorisées pis tout. Des historiens de renoms se masturberont leurs thèses en vos noms auréolés. Z'inquiétez pas, tout baigne, depuis longtemps.


Pire, même qu'une fois bien crevées, pourritures, même rongées par les vers, à vous faire sucer la moelle par les asticots, vos propres victimes chialeront, veuves éplorées. C'est beau comme ça la vie. On fête tout ce qui bouge, même les rats. Surtout les rats. Syndrome de Stockholm pour toutes et tous!


Un cortège d'expulsés, d'évincés, d'licenciés, d'édentés, de ventres creux, de gagnepetits, de délocalisés, de résidus de chaîne de montage, de régime de retraite pillés. La manne qui suivra votre procession funéraire, soit sur son cul devant la télé, entre deux commerciaux, ou bien sur place, en rangs derrière un cordon, à sniffer le monoxyde de carbone au passage du corbillard.


Y aura même des cardinaux, des prêtres et toute la smala libidineuse du clergé. Les larbins les plus fidèles aussi seront de la fête. Des artistes lèche-culs, des chefs d'État, des chefs de sociétés, des vieux croulants décorés de médailles : une ribambelle de maniaques endimanchés, juste pour vous.


Non, pour vous, ce seront les funérailles nationales, rien de moins. Gloire, effigie, postérité et place dans le dico, coincés entre deux autres fripouilles. Avec bouquets, klaxons et cavaleries. Titres honorifiques et banderoles, cercueils à cinq six chiffres, discours officiels, tout le patafra. Gros luxe post-mortem. Et pour chacun de vous, pourritures de grands pontes, ça sera idem. Les écuries d'Augias, mais avec plus de merde et pas d'torrent pour l'emporter.


Alors, surtout, z'inquiétez pas, ni en ce bas monde, ni dans l'Autre, les pourritures, on ne les châtie pas! Neunon, garçon! Nenni, fille! Dans c'trou à rat de planète qu'on s'étripe pour, les seuls qui finissent par payer leur ardoise, ce sont les endettés de naissance. Les gamelles vides, voilà qui c’est qu’on emprisonne, torture, zigouille, gaze, rôtie au bûcher, alouette.


Alors, j'vous le dis, c'est pas de nous, les trop occupés à survivre, dont vous devez avoir les boules. On l'sait, on a déjà ouvert des bouquins d'histoire. Révolution, démocratie, anarchisme, communisme, liberté, olé : que du vent, un pétard mouillé, un mirage qui se dérobe au profit d'un autre.


Non, la seule chose qu'une pourriture dans votre genre doit craindre, c'est d'être délogée par une autre pourriture.

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